Saturday 13 October 2018

La Dent D'Oche

La Dent D'Oche (30 juillet 2018)

De nouveau une dent ! A croire que j'ai quelque chose à régler... De nouveau une rando sur un bloc bien minéral qui se termine par une cheminé, mais le bloc est de taille beaucoup plus modeste et il est équipé de chaînes dans ses passages les plus difficiles.

Le départ se fait sur le parking d'un restaurant (bien gentil de leur part de prêter leur parking) : la Fetuiere. On est dans la forêt, comme la journée promet d'être chaude, je me dis que c'est pas mal pour le retour en voiture. On a le choix, sentier de droite ou celui de gauche... il parait que celui de gauche est plus safe quand il fait humide... il fait sec, je prends celui de droite. Il monte dans la forêt, c'est un plaisir de sentir la bonne odeur des sapins.



Rapidement on rejoint un chemin type 4X4. C'est donc un début facile même si ça monte bien. Je dépasse pas mal de gens, comme j'ai pris le temps le matin et que je me suis égarée dans une déviation je n'ai pas commencé spécialement tôt. Il est passé 11H30 quand je débute. Je me rends compte que ça ne va pas être une rando tranquille loin de tout. Il y a des gens en baskets, en converse, en sandales même et à l'autre extrême des gens sur équipés. Un couple avait des chaussures de glacier La Sportiva... Je suis certaine qu'il y a moyen d'atteindre un juste milieu.

Le chemin quitte rapidement la forêt pour atteindre les pâturages d'altitude, là je me retourne et je profite d'une vue exceptionnelle sur le Léman. Je ne m'étais pas rendu compte qu'on était aux premières loges. En y réfléchissant je trouve une certaine logique. C'est assez logique en effet que, de part et d'autre du Rhone, l'eau aie formé des structures similaires dans le rocher.



 Le chemin est bordé dune multitude de fleurs, j'aime tout particulièrement les chardons qui abritent souvent des insectes butineurs, malheureusement le gros bourdon que je voulait prendre en photo n'avait pas le temps pour poser…

Le premier arrêt se fait à la bergerie. Il y a une fontaine, l'eau glacée me fait du bien. Le berger produit du fromage, j'aimerais bien le goûter mais ce n'est pas le moment, quant à en ramener n'y pensons même pas avec la chaleur qu'il fait. C'est bien dommage. A la bergerie je me rends compte une fois de plus de l'incroyable différence entre le style de randonnée que j'ai faite vendredi et celle-ci. Je ne préfère pas trop y penser et en passant devant les drapeaux de prière, j'essaie de concentrer mon esprit sur mon chemin vers cette montagne, qui est forcément différent de celui des autres, puisqu'il est le mien.




Je continue et le chemin emprunte les traditionnels lacets dans les pâturages, je monte d'un bon pas et je dépasse encore une fois beaucoup de gens qui peinent. Leur souffrance sur un chemin pareil à celui là, semble énorme, sans doute leur plaisir en est décuplé au sommet. Pour ma part je trouve la pente raide bien sur mais rien de bien exceptionnel et le chemin est techniquement très simple. Je m'arrête pour laisser passer deux hommes qui descendent et j'en profite pour savourer le paysage. D'un côté le Mont Blanc, de l'autre le Léman.



En face de moi je remarque de gros rapaces qui tournoient dans le ciel. Vu le nombre et la taille ça doit être des vautours, ils ont sans doute repéré une carcasse de bouquetin (nombreux mais que je ne verrai probablement pas vu la quantité de chiens en liberté) ou d'un autre animal de taille conséquente (une marmotte n'attirerait pas autant d'oiseaux. Ils sont malheureusement trop loin pour que j'en sois certaine, Comme je comte faire le tour par l'autre versant de la Dent je verrai sans doute mieux à la descente.



Je repends mon chemin dès que la séance photo est terminée et j'en ai profité pour boire un peu. Au plus je monte au moins il y a de l'herbe ce qui est évidemment tout à fait normal. J'arrive finalement au col de Rebollion. Le sommet se rapproche, d'autant plus que les estimations sur les panneaux sont largement exagérées.

Les cailloux deviennent de plus en plus présents. Je suis maintenant au pied de la partie rocher, et le sentier s'estompe dans les amas de pierres.

Le chemin est clairement indiqué par des flèches jaunes. Il est effectivement équipé de chaînes, de beaucoup de chaînes qui me paraissent tout à fait superflues mais qui doivent rassurer les gens moins à l'aise en montagne. Dans un premier temps j'essaie de les utiliser mais je les trouve plus ennuyeuses qu'utiles puisqu'elles me forcent à prendre un chemin qui n'est pas forcément celui qui me convient. J'arrive au pied de la cheminée, et là je suis forcée d'attendre une personne âgée qui peine à progresser. J'en profite pour photographier l'équipement qui est vraiment là pour rassurer les plus incertains.


Je suis partagée sur le bien fondé de cet équipement. Est il nécessaire pour la sécurité des gens et pour permettre à un maximum de gens de profiter de ce paysage et de cette expérience, mais d'un autre côté je suis un peu choquée de voir à quel point certains semblent confondre cette randonnée avec une promenade dans un parc. Le chemin est, grâce aux chaînes totalement dépourvu de technicité, il est d'une intensité moyenne et du coup accessible à des gens très peu entraînés. Des gens qui n'ont pas l'habitude de la montagne et donc se retrouvent aux prises avec un rocher qui autrement ne leur serait pas accessible. Et plutôt que d'aborder ce rocher avec l'humilité qui lui est due, il arrivent en conquérants, converses aux pieds pestant sur le manque de réseau et les difficultés éprouvées. J'essaie de transposer cela à un autre sport pour voir si ma réflexion n'est pas juste une preuve de snobisme et d'élitisme, somme toute ridicule, et je me dis que si un citadin se présentait avec des bottes en caoutchouc pour skier il serait rapidement remis à sa place. De même si une personne se présentait en jeans et Converses à un cours de tennis on lui dirait de se changer d'abord, et tout le monde trouverait ça normal... alors pourquoi ce n'est pas le cas en montagne. Ca fait echo à un article que je lisais le matin même sur les mesures prises sur le Mont Blanc pour limiter les accidents et l'impuissance des gendarmes qui confient souvent que les gens bien équipés c'est bien mais ceux qui savent utiliser leur bon équipement c'est encore mieux... Évidemment ici l'équipement adapté ne requiert pas un savoir faire particulier, mais quelque part à force de trop équiper (il y avait des échelons!) on dénature un chemin. Évidemment rien ne m'empêche de ne pas utiliser l'équipement mis en place et de le faire naturellement (ce que j'ai fait pour une bonne partie) mais le passage d'un nombre important de gens a patiné le calcaire... c'est un peu finalement comme un serpent qui se mord la queue, on croit limiter les accident en équipant, mais en fait certaines personnes négligent le minimum comme l'équipement minimal (eau par exemple, une personne disait au sommet qu'elle n'avait plus d'eau et qu'il était hors de question d'en acheter au refuge . Qu'il fallait en donner gratuitement comme dans les restaurants)... C'est un débat sans fin et la limite entre l'espace de liberté et la réglementation est fine, tout comme la frontière entre l'équipement des chemins de randonnée et leur suréquipement.

Si je reviens à la rando à proprement dite, la cheminée passé on déboule sur le nid d'aigle qu'est le refuge. A l'image du reste il est difficile de se frayer un passage vu la quantité de gens sur place et je continue directement vers l'arrête sommitale, tout le chemin jusqu'au sommet est équipé de chaînes. L'arrête est vertigineuse mais il est largement plus simple de marcher droit plutôt que de s’embarrasser de la chaîne.

J'arrive à la croix qui n'est pas sommitale et je ne m'y attarde pas tant le groupe qui s'y trouve râle, je n'ai d'ailleurs aucune photo de la croix. Je continue pour le vrai sommet où la vue est époustouflante.






Après un pique nique et une discussion assez sympathique avec un jeune couple de Strasbourg, je quitte le sommet par l'autre versant. De nouveau la redescente est chaînée (à tort à mon avis) elle est à peine malaisée. Par contre, plus bas, une dalle bien lisse au dessus du vide me fait penser que là c'est quand même pas mal. Je pense que je l'aurais passée sans problème sans mais la perspective d'une chute de quelques centaines de mètres dans un pierrier en dessous ne me plaît guère.



Le reste de la rando est classiques d'abord des lacets serrés qui font perdre rapidement de l'altitude ensuite un chemin dans l'alpage. Je profite de mon passage pour passer par le lac de la Case, delà je pourrai prendre en photo ce que je suspecte être des vautour. Le lac en lui même est largement plu beau à voir depuis les hauteurs, à hauteur d'homme il ressemble plus à un terrain de foot qu'à un lac au vu de la végétation qui l'envahit.




De là les oiseaux qui tournaient sont bien plus visibles et il s' agit bel et bien de vautours tout à fait reconnaissable au blanc sous les ailes.

A près le lac, je redescends et je m'arrête pour échanger un moment avec le Berger de la cabane. 
Le retour se fait évidemment à l'aise, pour une très chouette randonnée à la Dent d'Oche.

Wednesday 10 October 2018

La Dent de Morcles

    La Dent De Morcles

Depuis 4 ans que je vais en vacances dans le Chablais cette montagne à la forme assez particulière, très visible depuis l'autoroute à la hauteur d' Aigle, me faisait de l’œil. Il m'a fallut du temps pour l'identifier, difficile d'en prendre une photo correcte tout en conduisant.Mais finalement en juin, un ami connaissant assez bien le Valais s'exclame en voyant la énième photo prise maladroitement en maintenant le volant droit, 'mais c'est la Dent de Morcles ! » OK message enregistré... fin juillet me voilà de retour dans la région et je décide de m'arrêter à Morcles pour enfin me balader au dessus de cet étrange sommet minéral.

Après un voyage exténuant de part les travaux, les accidents mais surtout la canicule, je me lance sur la montée entre Lavey et Morcles. Dans mon idée, j'allais bivouaquer au niveau du parking des Martinaux pour me lancer sur la randonnée tôt et éviter les 38° prévus en pleine journée. Cependant, après une douzaine d'heures dans l'habitacle d'une voiture, rien ne me paraît moins excitant qu'une soirée à la belle étoile. En gros, je veux une douche. La route se rétréci de plus en plus...j'arrive dans le village de Morcles où des panneaux rappellent aux automobilistes de ne pas dépasser les 50 M/H pour la sécurité des enfants... au vu de la largeur de la route et des angles aigus qui servent de virages je ne vois pas comment on peut dépasser 20 KM/H.... Finalement je passe devant une auberge, aucun autre commerce dans le village... Je me dis que peut être, on ne sais jamais, sur un malentendu... euh non, je disais donc peut être, cet établissement proposerait des services hôteliers à prix raisonnables... Je m'arrête donc et je vois directement que ça ne va pas être le cas... j'ai déjà de la chance si le patron me sert un verre d'eau minérale. Je pose la question et la réponse est claire 'non'. Bon je lui demande quand même où se trouve le parking pour aller à la Dent de Morcles, il me regarde avec des yeux comme des billes et me dit 'mais c'est dangereux ça'. Je lui réponds que je ne compte pas m'élancer sur le chemin dès ce soir mais que il y a peut être une cabane ouverte avec une place pour moi. Apparemment l'idée que j'aille sur la dent le laisse dubitatif et il revient à la charge 'elle est à 3000M la dent, c'est pas une balade', gentiment je lui dis que je suis consciente du type de chemin que je vais emprunter mais que je voudrais me reposer avant de la faire et que donc je cherche un toit ou un endroit pour planter ma tente... il n'en démord pas... clairement dans sa tête je n'ai vraiment pas la stature pour ça. Il reprend 'il y a des névés et des Hollandais sont morts l'an passé. Vous voyez ce que c'est des névés ?' 'oui oui monsieur je vois très bien, j'ai même pris des crampons avec, et je compte demander aux gardiens de la cabane ce qui est prudent de faire'... Ca marche comme un électrochoc, 'ah oui la cabane de la Tourche. Vous garez votre voiture aux Martinaux et vous montez à pied mais il y en a bien pour 2H30 à pied' (la nouvelle ne me réjouit pas plus que ça mais je ne le montre pas). Je lui demande comment aller aux Martinaux et il me montre, droit dans la pente. Je pense qu'il a confondu ma voiture avec un hélicoptère. Ca doit être la chaleur (très prononcée malgré les plus de 1000M d'altitude. Je reprends la voiture et je redescends dans le centre du village, certaine d'avoir vu un panneau avec 'les Martinaux ' écrit dessus. Je monte une rue de plus en plus étroite pour arriver à une clôture. Bon là je pense que ma bonne étoile était avec moi... je vois sur la droite un ravissant chalet 'les marmottes chambres d'hôtes ' Clairement je n'étais pas sur la bonne route pour le parking des Martinaux mais sur la bonne pour une douche. Après une mise d'accord pour le payement (j'avais dépensé une bonne partie de mon trésor de Francs suisses en bouteilles d'eau fraîche sur le chemin) me voilà assurée d'un toit et d'une salle de bain pour la nuit. Ces chambres d'hôtes sont tenues par des gens tout à fait charmants et je pense ont un prix très raisonnable pour la Suisse. Leurs deux chiens sont en outre magnifiques:-)

Au soir après un peu de repos revigorant,je vais me dérouler les jambes dans la forêt voisine, juste en dessous de la Dent. Là, évidemment les paroles de l'aubergiste me reviennent en tête et en voyant ce monolithe de juste en dessous je commence à douter et à avoir peur. Ne suis-je pas trop ambitieuse, après 900 km de route dans une chaleur étouffante et sans entraînement particulier ? Je rentre perturbée au chalet après 10 KM et un agréable passage à gué.

Comme mes hôtes sont matinaux je vais pouvoir me lever tôt. Réveil à 6H30 et départ à 7H00 pour le fameux parking des Martinaux. La propriétaire me prévient que la route n'est vraiment pas bonne. Une fois passé le télésiège ça s'avère être un euphémisme. Je crains pour ma voiture, en plus d'une pente raide, la route tient plus d'un sentier 4X4 que d'une route véritable. Ma voiture n'a RIEN d'un 4X4, ajoutez ça une succession de virages en épingle à cheveux. J'espère au fond de moi ne rencontrer personne en sens inverse. Bingo un pick up à remorque avec une citerne à lait descend...Le gentil conducteur voit ma face décomposée et fait lui la manœuvre pour me laisser passer. J'arrive enfin à ce fameux parking... La vue sur la vallée est ébouriffante. Il fait froid, j'avais oublié ce que ça voulait dire.
 Vue sur la vallée depuis le parking des Martinaux . Le Rhone qui serpente entre les contreforts du Chablais et au fond le Léman
Vue de la Dent de Morcles depuis le parking des Martinaux

Je me change je mets une polaire (oui oui il fait froid comme ça) je prends des gants. Et me voilà sur le chemin, je papote un peu avec deux personnes qui vont aussi à la Dent mais ils veulent faire l'arrête. La course semble belle, très belle même mais je m'en tiens à mon idée, qui est la manière classique et qui me semble la plus sure. Je n'aurais pas refusé un peu de compagnie, surtout que le plus âgé des deux m'expliquait qu'il comptait voir beaucoup d'animaux en passant par là. Je me méfie juste un peu des gens qui sont trop confiants... La montée vers la cabane est raide, je m'imagine la faisant avec mon sac de couchage, vêtements etc la veille au soir. C'était très optimiste d'imaginer ça... heureusement que les chambres d'hôtes la Marmotte se sont trouvées sur mon chemin. Le chemin quitte la forêt initiale et le paysage se découvre un peu plus. C'est déjà somptueux. J'aurais pu prendre un chemin 4X4 et arriver plus directement sur le chemin de la Rionda mais j'aimerais demander au refuge au sujet du fameux névé et aussi remplir ma gourde. Après un peu moins d'une heure de montée environ me voici au refuge. L'eau n'est pas potable et la gardienne est peu encline à se prononcer sur quoi que ce soit niveau du chemin. Elle m'assure par contre que l'eau de la fontaine de la Rionda est potable. Je pourrai remplir ma gourde là. Je rejoins donc le chemin de la Rionda en me disant que je ferai demi tour si besoin.

Le chemin longe d'anciennes installations militaires et c'est un chemin plus ou moins carrossable. La rando est donc très facile. C'est le chemin de la randonnée itinérante qui fait le tour des Muverans. Arrivée à la Rionda, je remplis ma gourde. C'est évidemment le dernier point d'eau. Le chemin quitte maintenant le Tour des Muverans et s'élance en lacets vers les tours minérales et la grande vire en dessous de la Dent. D'ici elle a l'air vraiment redoutable, austère et sèche. Je suis contente d'être partie tôt, moins de chance de prendre un caillou d'en haut. 

Vue sur le massif de Mont Blanc depuis le chemin qui monte à partir de la Rionda

A la Rionda bifurcation vers la Dent

Le chemin est étroit mais facile, il ne présente aucune technicité, c'est terre et cailloux. Tout tient, ça monte assez sèchement mais sans être extraordinaire non plus. Je commence à croire que je vais m'y retrouver là au-dessus. Juste après la Rionda on passe de l'autre côté d'une épaule et la vue change du tout au tout, une vision sur les glaciers et le Mont blanc donne une tout autre ambiance. L'herbe et les fleurs se font de plus en plus rares et j'arrive bientôt dans un univers sec principalement calcaire. Le chemin devient beaucoup plus technique sans être complexe. Le sentier existe et est visible tout le temps, par contre il est étroit et il ne faut pas mettre un pied de travers. Mais j'ai toujours au moins la largeur de mes épaules pour marcher. Les pentes sont raides et caillouteuses, si je tombe il ne faut pas envoyer les secours ça ne sert a rien. J'ai lu un compte rendu qui expliquait qu'un groupe avait fait cet itinéraire fin de printemps et que les pentes étaient encombrées de corps de bouquetins en putréfaction, bonjour l'odeur. Je pense que ça devait être une légère exagération mais clairement si on tombe on ne tombera plus jamais après. Au loin je vois la cabane militaire désaffectée dont on parle dans les topos, elle se fond dans le paysage.


Je marche dans un décors lunaire, où mes pas résonnent. Il fait très sec. Je m'arrête sur le banc de la cabane pour boire un peu et petit déjeuner, miam les barres de céréales Aptonia... un délice, mais pour la digestion c'est mieux. Je sais que ça passe. Les dents du Midi paraissent maintenant proches. Je ne sais pas à quelle altitude je me trouve mais ça doit dépasser les 2500M puisque ma montre indique que je me suis déjà élevée de 800M. En dessous du banc, quelques petites fleurs poussent je ne pense pas que j'en verrai encore beaucoup après.



Les Dents du Midi

Je prends aussi une photo du chemin parcouru, si ça reste comme ça, alors la réputation de la rando est surfaite. Ce chemin est raisonnablement facile, clairement étroit mais facile. 
Le chemin parcouru étroit mais sans complexité


Évidemment, le chemin va se compliquer. Heureusement lors de mon pit stop à la cabane militaire, j'ai aperçu un autre randonneur derrière moi. Je me sens un peu moins seule pour aborder ce que je découvre derrière le virage de la cabane. Le chemin devient très étroit avec parfois très peu de place pour passer. Il faut maintenant suivre des traits bleus toujours très présents. Je suis maintenant sous une vire, la vire principale celle qu'on voit sur les photos prises dans la vallée, cette grosse vire surplombante rend le passage malaisé. Le chemin de gauche va sur la vire celui de droite à la dent. Allons à droite. J'ai un peu l'impression d'être dans Alice au Pays des Merveilles à la croisée des chemins. En une fois, cette rando prend une dimension tout à fait symbolique de l'endroit où je me trouve dans ma vie.

Pour la portion de la rando qui arrive j'ai très peu de photos, en fait je n'en ai pas. J'ai du mal à garder mon équilibre quand je passe de l'image de l'appareil photo à la réalité, et une perte d'équilibre n'est pas au programme. Le sentier est parfois à peine tracé et serpente dans des masse de cailloux instables. Je suis vraiment contente de n'avoir personne au dessus. Le randonneur aperçu plus tôt est suffisamment éloigné également pour ne pas risquer de trop. Je ne voudrais pas lui balancer quelque chose dans la figure et qu'il tombe. La trace est de plus en plus raide et je dois régulièrement utiliser mes mains pour m'aider. Je suis contente de n'avoir aucun problème avec la verticalité quand je vois les parois qui m'entourent. C'est un magnifique poème minéral qui se décline dans des tons ocres et blancs... Je me sens toute petite. Ce qui est clair aussi c'est que le demi tour n'est pas possible, il faut continuer jusqu'au bout. Je me pose d'ailleurs la question de la redescente. Je ne me vois pas redescendre ce sentier et devoir croiser ceux qui montent...il va falloir aviser en haut. Il y a, j'ai lu un autre sentier pour la descente, qui amène juste en dessous de la vire. Ce serait une bonne option je pense. Je continue, ça devient moins malaisé avec des lacets étroits et très raides, je sais que j'arrive à la fameuse cheminée pour laquelle la Dent est très célèbre. Ici les pierre sont grosses et moins instables. Ce n'est plus ce petit grava qui fonctionne comme un roulement à billes. Mais le chemin passe parfois sous un gros surplombs et j'ai du mal à me tenir droite. Je me sens par contre beaucoup plus à l'aise. Je me retourne un instant et je découvre à quel point je suis haut. Le sommet est tout proche. Voilà la cheminée avec le gros bloc coincé, il faut passer au dessus, c'est un petit pas un peu type escalade, du 4A max, mais à 3000M d'altitude avec le vide en dessous, ça donne une autre ambiance. Je pense qu'il y a moyen de passer par en dessous pour les petits gabarits de mon style mais avec le sac à dos je préfère pas. Je passe par dessus c'est pas difficile et le reste de la cheminée est faite à moitié en marchant à moitié à 4 pattes.
Sortie de la cheminée, on devine bien la raideur de cette partie. On émerge de la fente dans le rocher

LE choc c'est quand j'émerge... le paysage de l'autre côté est totalement différent. C'est très surprenant. Les pentes sont plus douces mais elles mènent à un à pic. La vue est extrême aussi, les Muverans et pleins de sommets que je ne connais pas... Des névés (pour l'aubergiste) de la pierre et pas grand chose d'autre.

Les Muverans


La dernière partie de l'ascension se fait sans difficulté pour finalement atteindre la croix sommitale.
La vue à 360 degré est époustouflante. Des nuages cachent pas mal de sommets suisses, et le dessus du Mont Blanc est caché également, ça reste une vue inoubliable entre le lac Leman d'un côté, le Chablais les préalpes fribourgeoises, les préalpes vaudoises le grand Combin et tout une série de 4000 que je devine dans les nuages (OK j'admets le randonneur qui était derrière moi est finalement arrivé et m'a donné quelques explications)
 Fin de la rando
Le Sommet

La Redescente :

Se pose maintenant la question du chemin pour redescendre. Je demande à l'autre randonneur si il a déjà entendu parler du chemin dont j'avais entendu parler. Il acquiesce me dit juste que ça va être un peu plus long. Il me rassure aussi au niveau du névé, il est midi, a neige sera molle et gorgée d'eau, ça ne devrait pas trop glisser. Il me prête sa carte aussi je peux donc voir le fin trait en pointillés. Je suis donc les balises blanches et bleues. La descente est particulière, d'énorme bloc de pierre de formes disparates sont entassés là un peu par hasard. J'ai en tête l'intérieur d'un bac de Duplo. Le névé se passe en effet facilement, il est très court aussi à cette période de l'année, 5 pas maximum. Je suis néanmoins prudente, car si je devais glisser je me retrouverais dans un trou qui n'a pas l'air très hospitalier.



De bloc en bloc je me crois un peu à Fontainebleau : des ronds jaunes indiquent les passages. C'est un jeu de piste qui m'amuse. C'est moins impressionnant que l'autre côté mais il ne faut pas se leurrer il serait facile de se blesser. Une mauvaise réception suffirait. Mais bon je continue de sauter de bloc en bloc et de descendre entre des parois striées. C'est un peu le jeu Super Mario en application montagne et là encore un parallèle avec ma vie me vient en tête. Toute ces opportunités qu'il faut parfois un peu aller chercher ce sont comme les bonus de super Mario, il faut bien viser mais ça donne du relief à ma vie. Parfois du relief positif parfois du négatif mais ça reste des expériences qu'il faut assimiler et dont il faut tirer parti. Soit comme des erreurs à ne plus commettre soit comme des choses positives qui ont multiplié les possibles. Parfois on fait des rencontres positives ou pas, trompeuses ou pas, insignifiantes ou pas. Parfois les gens nous déçoivent parfois on s'en éloigne mais la vie reste ce jeu un peu fou où l'on saute de bloc en bloc de rond jaune en rond jaune pour aller à sa destination, et si on suit son chemin et pas celui des autres, la destination sera la bonne.

J'arrive finalement au pied de cette zone là où je devrais rejoindre le chemin de l'aller, mais immergée dans mes pensées je ne m'en rends pas compte. Je continue les balises bleues et blanches si ludiques... et ce n'est que bien plus bas que je croise un couple de randonneurs et que je me rends compte que je suis beaucoup trop bas. Je leurs parle un instant et ils me situent. Je suis sur le chemin du col de Fenestral, je me rappelle avoir regardé le descriptif du Tour des Muverans ce matin à la cabane de la Tourche et le refuge de Fenestral était dessus. En toute logique je devrais pouvoir rejoindre la Rionda et la Tourche en suivant ce chemin. Je leurs demande et le monsieur me répond que j'en ai pour 4 heures de marche mais que c'est une option viable et que tour sera beau. Je dois descendre sur le lac de Jully. Je peux demander à la cabane de Fenestral, ils me renseigneront volontiers.

Je continue donc mon chemin ludique moins cabossé et au détour d'un gros bloc, je me retrouve nez à nez avec un bouquetin. L'odeur de la bête est fétide mais quelle magnifique surprise ! Il est là je pourrais le toucher si j'avance la main. Je fais un geste vers mon sac a dos mais il continue son chemin tranquillement, je ne souhaite pas l'effrayer, donc je ne bouge plus. Je suis chez lui, je dois le respecter. Vers ma droite j'entends des éboulis et sur le névé, en hauteur, tout un troupeau joue et court : quel bonheur de regarder ces animaux en toute liberté ! Une colonne déboule vers moi ils sont loin mais la première moitié passe, peu de temps après, à une 50aine de mètres sans même me regarder, l'autre moitié du troupeau remonte sur des pentes abruptes et enneigées, avec une facilité déconcertante, c'est la cours de récré des bouquetins et leur agilité laisse rêveur.



Je continue et au plus je descends au plus je suis entourée de bouquetins, il y en a partout. Sur une arrête une sentinelle me fait comprendre qu'il y a encore un troupeau de l'autre côté. Je décide donc de suivre l'arrête vers le col de Fenestral avant de descendre à la cabane, plus tôt qu'y descendre directement. En effet dans la neige, tout un troupeau remonte, deux jeunes jouent un peu en contrebas. C'est presqu' incroyable pour la citadine que je suis de les voir jouer comme ça en toute quiétude. C'est soit une tolérance envers nous construite sur la confiance que les randonneurs sont inoffensifs, soit ils se savent plus forts et plus rapides...Assez d'anthropomorphisme et laissons les jouer insouciants et beaux. Au loin, vers le lac j'entends des sifflements, les suivantes seront les marmottes je pense.




Je m'arrête à la cabane et je suis accueillie très chaleureusement comparé à la Tourche ce matin. Les gardiens prennent le temps de converser de savoir où je veux aller et me proposent deux itinéraires. Le sentier de GR du Tour soit un chemin aérien. Je pense savoir ce qu'il veulent dire par chemin aérien : c'est rebrousser chemin et reprendre le col au pied de la dernière vire de la Dent. Ce n'est pas ce que je veux faire, je descends donc vers le lac, non sans avoir acheté une bouteille d'eau fraîche. On est en plein temps de midi et il fait chaud. Le soleil donne et je regrette d'avoir oublié ma crème solaire en Belgique. Le lac au fond de la combe rutile de mille feux, son eau bleue intense donne envie de plonger, mais au delà du problème de maillot, je me méfie toujours des lacs avec des barrages, les courants peuvent y être très forts et le fait que personne ne s'y baigne n'inspire pas confiance. 
 Le Lac de Fully
Le Vallon s'insère dans un paysage spectaculaire de Dents et de Tours bien minérales, mais en lui -même c'est un écrin de verdure

Plus je descends plus il fait chaud, et j'entends des sifflements stridents de toutes parts. L'endroit est idéal pour des marmottes. Elles doivent être là mais elles sont sans doute plus malines que moi. Au cas où, pour ne pas me retrouver sans appareil photo si je devais en rencontrer une de près je sors mon appareil. Je descends à bonne allure. Je sais que j'ai une longue route en face de moi, et je ne veux pas traîner. Je jette un coup d’œil par dessus mon épaule et là je tombe sur deux marmottes, proches, très proches même. Ces deux adorables petite bêtes sont face à face et ne bougent pas... immortalisées... je suis surprise qu'elles ne m'aient pas vue. Elle regardent dans l'autre direction et puis continuent leur jeu. On diraient qu'elles jouent à se taper dans les mains , de nouveau j'ai l'impression de me retrouver dans une cours de récréation.


Je continue et dans la partie du vallon qui descend vers le lac, il y a une marmotte sur toutes les pierres. Pas trop près du sentier, bien sur elles sont quand même farouches mais ça se repose, ça bronze, ça joue de terrier en terrier. C'est vraiment incroyable de voir les animaux si libres de leurs jeux alors que je passe dans leur territoire. C'est un peu le propre de ce genre de randonnées, les chemins principaux sont remplis de monde et on y voit peu de vie 'sauvage' mais les sentiers plus risqués ou moins fréquentés, laissent aux promeneurs la chance d'apercevoir la vie de la montagne. Je me sens privilégiée d'assister à tout cela.
La vue depuis le lac est majestueuse, je ne pense pas que mon appareil photo puisse rendre l'impression de ces montagnes écrasantes autour de moi. C'est beau à en couper le souffle.



C'est beau mais aussi plus rassurant que la majesté du matin. Ici je suis dans des alpages larges aérés gardés par des sentinelles de pierres. Rien d'oppressant ni d'écrasant, ici ça respire la joie et la vie. Les sons ne se répercutent pas sur des parois calcaires dans un écho funeste, ici c'est sifflement de marmottes, bourdonnements butineurs et clarines. L'ambiance est tellement différente : ici je suis dans la carte postale qu'on envoie à ses collègues pour leur dire qu'on est dans un endroit merveilleux. Je me dis qu'il y a quand même quelque chose de troublant, entre ce que j'ai vu ce matin et qui ne figure sur aucune carte postale qui est d'une beauté écrasante, et ce vallon tellement vivant ... avec les moyens modernes ont pourrait sans difficulté photographier les sentier pierreux et secs de ce matin, dans toute leur beauté et leur majesté mais personne n'y pense (tant mieux)... je pense que l'un respire l'oppression, c'est la montagne qui tolère les humains, c'est une montagne d'exclusion, tout le monde n'a pas accès à ces sentiers, ils demandent une certaine habitude de la montagne, une tolérance du vide et du risque et, mine de rien, une certaine condition physique même si ça n'était pas énorme comme exigence dans le cas de la Dent de Morcles, la Haute Cîme étant clairement plus exigeante à ce niveau là. L'autre, c'est la montagne de la joie, de la vie et c'est ça qu'on envoie comme souvenir, c'est ce qu'on dessine dans les livres d'enfants. C'est la montagne bienveillante, physique aussi (le tour de Muveran c'est long et à certains moment ça monte bien) mais accessible avec un minimum de bonne volonté et d'effort. Au cours de conversations longues et souvent animées sur ce qu'on vient chercher en montagne il ya souvent des visions de liberté, de grandeur, d'exploits qui ressortent. Je ne pense pas que ça me convient comme vision, je ne suis pas ressortie grandie de ce sentier, que du contraire, je me suis sentie toute petite face à cette montagne qui m'a donné l'occasion de fouler son sommet. Mon ego n'est pas plus gonflé, je ne pense pas que j'ai réalisé un exploit. Je suis très contente d'avoir pu faire ça mais c'est plus la joie d'avoir été acceptée par la montagne. Dans certains pays d'Asie on dit que les montagnes ont une âme, que ce sont les résidences des Dieux et des démons, et qu'elles acceptent les humains ou les refoulent. J'ai sans doute été un peu contaminée par cette vision. Si on l'approche avec humilité et respect, on a l'occasion parfois de vivre des moments comme celui que j'ai vécu à la sortie de la cheminée. Je pense qu'il y a là une piste de réflexions, de réponses peut être. Certaines personnes y viennent pour se sentir dans les 'happy few' et jouent avec des limites et ça c'est le vrai risque en montagne. Il y a des risques pour les autres bien sur mais on ne joue pas avec ses limites de la même façon.

Je réfléchissais aussi aux histoires de morts sur la Dents, les deux morts dont j'ai entendus parler sont tombés à des moments qui n'étaient pas les plus techniques (d'apparence) mais ceux où après un moment perçu comme exclusif et dangereux on s'accorde une pose d'attention, on veut immortaliser le moment, et c'est ça pour moi la difficulté de ce sentier qui monte à la Dent depuis la Rionda, il va crescendo en difficulté et l'attention doit être maximale pendant un très long laps de temps, ce qui n'est pas du tout la même chose que les autres randonnées engagées que j'ai faites. L'attention peut se relâcher à la sortie de la cheminée et que l'on reçoit ce paysage incroyable dans la figure. Mais les 3KM précédents sont hyper intenses et les effets de l'altitude ne doivent pas être négligés. Évidemment, je suis passée des 50M d'altitude de Bruxelles aux presque 3000 de la Dent en une fois mais dans tous les cas c'est notable.

Mais pour revenir au sentier... je quitte donc le vallon du lac de Fully et je remonte sur le sentier balisé blanc et rouge du tour des Muverans. Il monte assez raidement mais c'est un sentier classique. A partir de maintenant je suis dans une rando normale, les quelques passages un peu moins surs seront chaînés. Je rencontre d'ailleurs deux personnes en train de vérifier les chaînes présentes et ajouter de l'équipement. Nous bavardons un peu et ils se montrent très appréciatifs du tour que je suis en train de faire. Ils me disent que c'est un tour exigeant à la fois en rando alpine avec l'ascension et ensuite en terme d'endurance avec le tour par Fully. Quand je leur pose la question de la non existence d'équipement dans le couloir de la Dent de Morcles, ils sont clairs : ce n'est pas équipé et ça ne le sera pas. C'est une rando alpine et il ne faut pas s'y engager (par cet itinéraire) à la légère. Clairement c'est un argument percutant, si trop de monde se retrouve dans ce couloir les chutes de pierre vont rendre l'accès encore plus périlleux. Comme on dit en anglais : 'point taken'.



Au col de Demecre, il y a un refuge avec un groupe de jeunes qui s'initie à l'escalade je les regarde un instant. Je me demande si ils mesurent le privilège qu'ils ont de découvrir ce sport dans un endroit pareil ... Une partie du groupe joue dans les rochers éparses autours du refuge... c'est un terrain fantastique et ils me rappellent un peu les marmottes et les bouquetins que je viens de voir (sans l'odeur bien heureusement).

Le chemin est linéaire, un peu ennuyeux même si il se déroule dans un cadre de rêve. Après deux heures de marche je suis de retour à La Rionda et je suis un peu impatiente de retrouver ma voiture et faire route vers la piscine la plus proche. Etant seule et pas très propre, je préfère rouler jusque Châtel et Forme d'ô. Le bassin extérieur est fort fréquenté mais les jets d'eau me délassent la nuque, et c'est un réel bonheur de s'asseoir dans les jacuzzi en plein air. Je termine la journée par une délicieuse crêpe à la Crêperie Bretonne, après tout on n'a que le bien qu'on se fait…
Vidéo des Bouquetins dans la neige. La facilité de leur progression sur une face aussi pentue laisse rêveur